Tu ne la remplaceras jamais, tu es unique {Ft Tigrou}

Le soleil glissait ses rayons dans une caverne secondaire et caressait doucement la fourrure d'une forme gris et blanche. Réveillée, Plume de Colombe ouvrit un œil, puis l'autre. Lentement, elle s'étira et poussa un petit soupir. Si seulement rien de tout cela n'était arrivé ! Si seulement Nuage de Lilas était toujours son apprentie, si seulement Soliste de l'Hiver n'était pas entré dans sa vie ! Elle se réveillait chaque matin en espéra que c'était un simple cauchemar. Mais non, c'était bien la réalité.
Elle fit sa toilette à coups de langue rapides. Si la guérisseuse avait du mal à se remettre du changement de voie de son apprentie, elle n'en continuait pas moins de vivre sa vie normalement. Elle sortit de son antre et s'approcha du tas de gibier. Une belle chauve-souris trônait au sommet. Délicatement, elle la saisit entre ses crocs et la déposa à terre en cherchant du regard un chat avec qui elle pourrait partager. Manger seule n'était pas génial...

Aujourd'hui, je me réveilla doucement, surprise par un rayon de soleil qui réussissait à passer dans la tanière des apprentis, atterrissant en douceur sur mon pelage noir. Je me leva doucement et essaya de sortir de ma tanière avec discrétion. Je vis Nuage Ensoleillé, mon unique frère, grogner doucement dans ses rêves. Je ressentis aussitôt un sentiment de malaise que j'écarta de suite. Il était mon frère et je ne pouvais pas douter de lui. Je jeta un regard en coin à Nuage de Lilas afin de voir si elle dormait toujours. La nouvelle apprentie guerrière semblait être profondément endormie. Son nouvel entraînement devait l'épuiser.
Je sortis sans encombre de la tanière et regarda autour de moi. Seul un ou deux chats qui mangeaient dans l'ombre. La patrouille de chasse devait être partie, comme la patrouille frontalière.
Je rejoignis Plume de Colombe rapidement. C'était une gentille guérisseuse que j'appréciais beaucoup. Je voulais être son apprentie moi ! Pas une novice guerrière ! Il était vrai que ma petite taille ne m'aidait pas du tout pour le combat. Comme disait toujours ma mère, j'allais grandir. Mais je commençais à trouver le temps très long.
D'un ton gêné, je demanda :
-Puis-je manger à tes côtés.
J'attrapa délicatement un petit mulot dodu et le garda dans ma bouche, anxieuse. Et si elle m'envoyait promener ?

Une petite silhouette noire apparut à l'entrée de la tanière des apprentis. Plume de Colombe reconnut Nuage des Soupirs, une petite apprentie au caractère agréable. Elles s'appréciaient, toutes les deux. La novice se dirigea vers le tas de gibier, choisit un mulot et s'approcha de la guérisseuse.

-Puis-je manger à tes côtés ? demanda-t-elle d'un air un peu gêné.

La femelle grise et blanche ronronna.

-Bien sûr ! Installe-toi. Un peu de compagnie pour une vieille chatte comme moi, ce n'est pas de refus !

Seule la petite parvenait à faire ronronner Plume de Colombe. Cette dernière pensait néanmoins à son âge.

Je n'ai pas d'apprenti. Qu' adviendrait-il si je mourrais ?

Puis elle chassa cette pensée en remuant les oreilles. Elle tiendrait le coup. Il lui restait encore plusieurs saisons. Malgré tout, le vieillissement et la "trahison" de Nuage de Lilas avait rendu son caractère moins agréable qu'avant. Mais Nuage des Soupirs paraissait s'en moquer.

Plume de Colombe émit un ronronnement et finit par répondre :
-Bien sûr ! Installe-toi. Un peu de compagnie pour une vieille chatte comme moi, ce n'est pas de refus !
Je m'allongea prudemment sur le ventre à une longueur de queue de souris d'elle. Lorsque Nuage de Lilas avait renoncé à son poste d'apprentie guérisseuse, son mentor s'était renfermée sur elle-même et était devenue plus irritable. Nuage Ensoleillé en avait fait l'expérience lorsqu'il était revenu un jour au camp, l'épaule ensanglantée.
Je mangea quelques bouchées en silence, jetant parfois des petits coups d'œil apeurés à Plume de Colombe. Et si je lui demandais de devenir son apprentie ? Non, elle ne voudrait sûrement pas... On me formait pour que je sois guerrière, après tout... Et pourtant, comme l'art de la guerre me répugnait ! Comme plonger ses griffes dans le petit corps chaud d'une proie me répulsait ! Je me sentais moi-même dans les senteurs des plantes, allant de la cerfeuil au mille-feuille, en passant même par la graine d'ortie.
Je finis rapidement mon mulot et protesta très vite :
-Tu n'es pas vieille ! Tu as beaucoup de temps devant toi.
Après avoir dardé mon regard gêné vers le sol, comme si j'étais surprise de ma propre audace, je miaula d'une voix que je voulais rassurante :
-Et puis, tu auras bientôt un apprenti, sans doute.
Et ce ne sera malheureusement pas moi... songeai-je tristement.
Et puis non ! J'ouvris la bouche. Si je lui disait tout de suite ce que je pensais, même si elle repoussait mes rêves, j'aurais au moins dit ce que je voulais dire.
Mais devant son beau regard vert curieux, ma détermination fondit comme neige au soleil et j'opta pour un timide :
-Je... J'aurais un truc à te dire mais je ne suis même pas sûre de vouloir te le dire...

La jeune femelle protesta.

-Tu n'es pas vieille ! Tu as beaucoup de temps devant toi.

Plume de Colombe sourit. Elle n'était certes pas très vieille, mais elle se sentait seule. Et la solitude fait vieillir... Elle se replongea dans des souvenirs heureux tout en grignotant sa chauve-souris. Nuage de Lilas en train d'enlever les tiques des anciens tandis qu'ils lui racontaient une histoire, Nuage de Lilas qui tentait de mémoriser les propriétés de la mauve, son air horrifié quand son mentor lui avait expliqué pourquoi il ne fallait même pas toucher aux baies empoisonnées...
Elle fut tirée de ses pensées par la voix de Nuage des Soupirs.

-Et puis, tu auras bientôt un apprenti, sans doute.

La guérisseuse posa un regard à la fois surpris et curieux sur la novice. Pourquoi parlait-elle de ça maintenant ? Puis la petite chatte continua :

-Je... J'aurais un truc à te dire mais je ne suis même pas sûre de vouloir te le dire...

Le regard de Plume de Colombe se fit doux. Doux, mais aussi un brin insistant. Du bout du museau, elle effleura l'oreille de l'apprentie.

-Alors fait comme tu veux, répondit-elle. Tu peux me le dire, ou me le taire.

Elle s'installa plus confortablement pour écouter ce que Nuage des Soupirs allait dire. Car elle était sûre que la novice parlerait.

Le regard de Plume de Colombe se fit aussi doux que du miel. Cependant, je lisais au fond un brin d'insistance, aussi infime et petit qu'une souris. Du bout de sa queue, elle m'effleura l'oreille de son museau et me répondit gentiment :
-Alors fait comme tu veux. Tu peux me le dire, ou me le taire.
Je vis ensuite la guérisseuse s'installer confortablement, prête à m'écouter. Oui ! Peut-être qu'elle accepterait ! Mais une pensée m'effleura.
Nuage Ensoleillé.
Il n'allait pas être content et il allait sans doute me faire la tête pendant toute une lune. Je lui expliquerais ! songeais-je en osant un regard apeuré vers la tanière des apprentis. Je venais de voir une fourrure blanche bouger au loin.
Je me retourna vers Plume de Colombe, qui ne cilla pas une seconde. Elle attendait simplement. J'ouvris ma bouche et commença :
-On... On me forme pour être guerrière mais... Enfin, je ne suis pas douée pour ça et du coup, je me suis demandée si...
Je baissa ma voix et la guérisseuse dut se pencher vers moi pour entendre la fin de ma phrase :
-Si je pouvais devenir ton apprentie...
Le cœur battant, j'attendis une quelconque réaction de la chatte blanche et grise.

(Désolée du retard)

La novice murmura d'une petite voix :

-On... On me forme pour être guerrière mais... Enfin, je ne suis pas douée pour ça et du coup, je me suis demandée si...

Non ! C'est impossible ! Ça ne va pas recommencer ! pensa la guérisseuse. Elle attendit néanmoins la fin de la phrase qui ne tarda pas à arriver, si basse qu'elle dût se pencher pour l'entendre.

-Si je pouvais devenir ton apprentie...

C'était bien ce qu'elle pensait. Plume de Colombe soupira. Elle était partagée entre l'envie de sauter de joie et de courir voir son chef, et la tristesse de s'imaginer que son apprentie pouvait à tout moment choisir de changer de voie et redevenir apprentie guerrière. Mais la solitude d'une guérisseuse était si forte qu'elle était prête à accepter quand un autre souvenir remonta à son cerveau. Soliste de l'Hiver. Elle devait se rendre à un rendez-vous avec lui environ toutes les 3 nuits. Elle parvenait à cacher tout ça quand elle était seule dans sa tanière (en effet, Étoile de Flamme était la seule au courant et elle était morte avec ce savoir), mais avec une apprentie...
Plume de Colombe se décida. Il lui fallait un apprenti, c'était certain. Ses sentiments personnels, qui lui étaient d'ailleurs interdits, passeraient après.

- Oui, tu peux devenir mon apprentie, miaula-t-elle simplement. Mais il faut que tu sois sûre de toi. Tu me donneras ta réponse demain matin.

Comme ça mon rendez-vous de ce soir aura lieu !!

(HRP : je sais que Soliste est mort, mais Plume de Colombe doit le découvrir par elle-même.)

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