MÉLOPÉE ANGÉLIQUE ★ i'm born in the earth.

Ce que l'on verra dès notre entrée dans le camp, ce ne sera peut-être pas la jolie petite tête de Mélopée Angélique. Non, en vérité, il faudra d'abord analyser la clairière, presque dans ses moindres recoins parfois car la jeune féline au pelage crème est du genre timide. Néanmoins, elle reste une femelle accueillante, chaleureuse. Elle est un peu comme la personne que l'on cherche dès notre arrivée, celui qui saura nous conduire. Elle n'a peut-être pas l'air d'une meneuse, peut-être même pas l'allure et pourtant, elle est l'une des meilleures dans le guidage. Elle sait aussi analyser une situation. Elle connaît parfaitement bien ses techniques de combat et de chasse, elle connaît son territoire par cœur, jusque dans les moindres recoins. Voilà là son plus gros atout. C'est son immense curiosité et son intéressement aux petites choses qui lui a permis de faire de grandes choses dès son plus jeune âge. Elle sait à quel point il est difficile de s'intégrer rapidement lorsque l'on vient de contrées lointaines ou non. Elle l'a vécu, chose que peu savent d'ailleurs. Ce qui est tout de même sûr, c'est qu'elle sait se montrer discrète tout de même et mystérieuse, avec un petit air taquin. C'est là que certains diront qu'elle a une joie de vivre époustouflante. Ils ne savent même pas comment elle fait. Mais en réalité, elle a tout gardé pendant de nombreuses lunes de solitude, ce qu'elle appréciait fortement pendant un moment. Puis elle s'est ouvert au monde, lui offrant sa délicatesse et sa serviabilité. On rêverait de connaître des chats comme elle. Néanmoins, un chat qui a des atouts est un chat qui a des défauts. Et oui, sachez que notre gracieuse féline est bien trop naïve. Tellement qu'elle écouterait tout. Sa naïveté la rend influençable, manipulable, soumise. Tout ce dont on ne doit pas être dans ce monde hostile. Mais elle peut parfois paraître surprenante. Cela arrive comme ça, d'un coup, elle devient têtue comme une mule. Impossible de faire quoi que ce soit avec elle. C'est là sa limite. Elle fera alors ce qu'elle voudra et rien ne pourra l'en empêcher. Elle garde tout de même l'une des vertus les moins connues, sa loyauté est infaillible, elle résiste à toute épreuve. Elle dit même parfois que c'est comme honorer son père. Elle le dit, oui. Dans sa tête. Mais Mélopée Angélique est nerveuse, stressée, et parfois même, elle en pleure, avec ses crises d'angoisse. Il n'y a pas de mal à la faire pleurer, c'est tellement fréquent. Principalement lorsqu'elle a peur, ce qui peut arriver souvent. Lorsque l'on mélange timidité, peur et émotivité, on sent qu'on est pas trop bien partit avec elle, finalement. Elle qui était si simple et protectrice, solidaire et rendre, spontanée mais incertaine. Je crois que Mélopée Angélique est tout à la fois même si le côté impulsif - colérique - capricieux n'est ni de son âge, ni dans son genre. Cette femelle est spéciale et il faut prendre bien soin d'elle. Qui pourrait en être capable ?

Le visage guidé par les étoiles de la nuit, une jeune femelle âgée d'une vingtaine de lunes contemple les astres qui la fascinent tant. Elle a le regard pleins d'espoir, on ne sait pas ce qu'elle pense mais on peut lire quelques paroles sur des lèvres, dictant au ciel étoilée les mots à faire parvenir à son père qui vit là haut. Son pelage crème se reflète comme presque blanc comme neige par la lumière de la lune. Sa douce voix ne ressemble à aucune autre, telle une berceuse pour endormir ses chatons, comme si elle en avait toujours eût. Sa grâce n'a pas de limite, accompagnée par une élégance sans égale, il manquerait plus que Mélopée Angélique se préoccupe un peu plus de sa magnifique fourrure. Elle assure qu'elle n'a pas le temps, que les autres ont besoin d'elle, tel ce que dirait un guérisseur mais elle nie aussi tout amour envers cette autre voie. Elle croit trop en l'amour pour cela. Elle rêve encore et toujours. On le voit dans ses yeux ambrés brillant d'animosité. Brillant d'espoir. Elle ne connait pas encore la cruauté de la vie et du monde. Du moins, c'est ce que l'on croit quand on ne sait pas ce qu'elle a vécu. Mais en réalité, jamais un mâle n'a trop tenté de se rapprocher d'elle. Beaucoup pensé qu'elle est inatteignable, s'apportant les foudres des autres femelles jalouses. Ses petits griffes aiguisées et ses petits crocs luisants lui donnent un air enfantin, immature, ce qu'elle n'est pas. Mais ce que l'on pense n'est pas toujours ce que les autres sont.

La vie, la mort. Tout le monde la connaîtra un jour où l'autre, nécessairement. Moi, j'ai connu la vie, j'ai frôlé la mort. J'en ai eût peur, je ne sais pas si en y échappant de peu une nouvelle fois, j'aurais la même sensation, la même peur. Mais peu importe, pour le moment, je n'ai aucune envie d'y être confronter. Surtout que je me suis jurée d'honorer mon père.

Que dire de lui ? C'était un fidèle guerrier du Clan du Feu. Il en est même devenu le lieutenant tout en tombant follement amoureux, peut-être pas réciproquement, de sa cheffe. Toute cette histoire, on me  l'a appris, enseigner, peu importe comment vous pensez ou savez comment j'en ai la connaissance, je le sais, un point c'est tout. Lors de ma plus petite enfance, lors qu'on ne pouvait me traiter encore que de gamine, de mioche ou tout ce que se rapporte au vocabulaire d'un être si petit qu'il n'a pas l'âge d'apprendre à chasser, je vivais auprès d'une mère aimante, du moins, de ce que l'on m'a raconté. J'avais un frère, un grand frère du moins. Bien que nous avions le même âge, il paraissait bien plus grand que moi. Ses pattes, déjà musclée à son si petit âge, l'aidaient à me propulser loin de lui. J'étais si jeune que je ne comprenais pas ses manipulations. Je me laissais faire, il pouvait tout faire de moi, tant jamais peur de mon propre frère. Il n'y eût que depuis le jour où j'ai été protégée par un mâle du clan, un jeune lui aussi, qu'il s'est arrêté. J'ai cru lire sur son visage une sorte de jalousie, une pointe de défi et une lueur de rivalité, de haine, à travers ses yeux. Mais qu'avait-il après lui ?

Ce jour-ci, mon fraternel m'avait plaqué au sol, j'étais hors d'haleine et j'en eût, en plus de cela, le souffle coupé lorsque j'entra en contact pur et dur avec le sol sablonneux de la clairière. Des larmes perlaient sur mon visage et le sang souillait mon pelage. Il avait osé sortir ses griffes contre moi. C'était la première fois. Il aimait tellement tester les limites qu'il finissait pas ne plus en voir. Sa mère, quant à elle, était bien trop mielleuse pour le retenir de faire quoi que ce soit, sans quoi il ferait des caprices. Et il trouvait toujours une excuse pour que la faute ne lui retombe pas dessus. Mais ce matin-là, il y avait un témoin. Alors que le rebelle s'apprêtait à frapper, la masse s'écarta instantanément de moi.

J'avais les yeux fermés, aucune possibilité de connaître mon sauveur. Il possédait l'âge d'un apprenti. Mais j'étais plus vieux que lui. Je ne le reconnaissais pourtant pas. Était-il ce nouveau dont on parlait tout le temps dans le clan ? J'osa ouvrir une paupière, puis l'autre. Le soleil m'attaquait en pleine figure. Je me tourna pour l'éviter et mon visage fut hypnotisé par la scène, sous mes yeux. Il m'avait sauvé, mais il ne faisait pas le poids face à mon frère. Que faire ? Je bondis, ce fut mon premier réflexe. Les pattes en avant, je poussa mon frère novice loin de celui qui m'avait protégée. Ce premier roula, roula, roula encore et encore. La rivière me semblait si proche. Un gémissement resta coincée dans ma gueule, j'étais tétanisée. La peur me faisait peur. La peur me bloquait, je restais figée, incapable de bouger. La scène se déroulait pourtant sous mes yeux. Il roula tant qu'il s'approcha dangereusement de la rivière. Il glissa dedans. Et dans l'effet de surprise et le fort courant à cause de ces dernières journées de pluie, il n'avait aucune chance. Sa tête resta trop peu à la surface pour qu'il survive. On le repêcha plus loin, mort noyé. Et je n'avais pas encore bougé, les yeux rivés à l'endroit où mon frère avait glissé. J'étais une assassine, une traîtresse, une meurtrière. J'avais bafoué le code du guerrier, j'avais tué mon propre frère ! Et même s'il avait été à capable de tuer mon sauveur, pourquoi moi, si innocente femelle l'aurais-je tué ?

La réalité me revint soudainement en pleine figure. Les yeux étaient rivés sur moi, mais moi je ne cherchais pas ceux qui me regardait. Mais plutôt ceux qui se désintéressait de mon cas. Lui. Il était là-bas, il m'avait protégé. Je baissa la tête, reculant. J'entendais des chuchotements parlant de moi. Je n'avais plus ma place ici. Alors je devais fuir. Et c'est ce que je fuis, les larmes aux yeux. Quittant le camp à toute vitesse, je traversa la frontière sans même m'en rendre compte.


Mon frère ... Où es-tu ? Je suis désolée pour tout ce que j'ai pu te faire vivre. La noyade est atroce. Je t'ai assassiné, je t'ai tué. Je suis une meurtrière. Je ne suis plus l'ange de maman. Maman, je ne sais pas où elle est. Je n'ai vu papa qu'une seule fois. Lui n'a dû me voir qu'une seule fois, à son tour. Me reconnaîtrait-il entrr milles ? Je ne suis pas celle qu'il croit. Je devrais cacher ta mort, frérot. Pour longtemps. Je suis désolée. Je te déshonore, je te fais souffrir mais sache que ce ne sera pas sans conséquence. Je subirai ce que je devrais subir. Je pleure ta mort. Je pleurai celle de mes confrères et de mes consœurs à leur mort lorsque j'aurai rejoins un autre clan. Si jamais on me retrouve. Mais j'ai bien peur que je ne sois qu'une trop petite chose pour eux. Des cris ... Des cris mon frère. Je panique. Que se passe-il autour de moi ? Il n'y a que les ténèbres qui m'entoure. Je ne peux entendre ta voix. Je ne peux que penser. Je n'entends même pas les paroles que je te dicte. Les entends-tu ? Mon frère, je t'en pris, aide-moi ! Aide-moi !! Aide-moi ...

Le réveil fut brutal. Une patte me secouait dans l'espoir que j'ouvre mes paupières. Depuis quand étais-je ici, étendue sur le sol ? La mort m'appelait. Pourtant, mes yeux s'ouvrirent. Un chat était penché au dessus de moi. J'eus l'impression qu'il criait mon nom. Que la panique s'était emparé de lui. Son pelage me rappelait tant bien que mal le reflet de mon père. Était-ce lui ? Comment mettre mes idées en place si la famine, la soif et la fatigue me tiraillait tant. Oui j'étais vivante, mais pour combien de temps ? Car rapidement, je me sentais tomber. On m'attrapa. Je crus comprendre que c'était une gueule qui me tenait. D'après les secousses, le pas semblait mi-rapide, mi-lent. Où étais-je ? Les ténèbres m'envahirent bien avant que je ne puisse avoir ma réponse.


Lorsque mes paupières s'ouvrirent, la faim me tiraillait toujours autant. La soif un peu moins. La fatigue, pas du tout. En premier lieu, ma vision fut floue, mais rapidement, je pus distinguer autour de moi un endroit sombre. Juste sous mon museau, un fumet de campagnol m'attira. Alors que je tenta de m'en approcher, je tappa contre quelque chose que je fis rouler doucement. Ma truffe était maintenant humide, ce qui raviva les senteurs des environs. J'avais l'impression de reconnaître un peu l'endroit. Une odeur de remèdes me fit soupçonner que je me trouvais dans l'antre du guérisseur. Ils avaient réussit à me retrouver ? Le Clan de l'Eau m'avait ramené chez lui ? Oh, quel désastre ! Qu'allais-je devenir, à présent ?
Mes oreilles se dressèrent aussitôt lorsque une silhouette apparut, au niveau de l'entrée. Malgré le peu de luminosité, j'arrivais à distinguer qu'une masse approchait. Deux voix se murmuraient quelque chose, sans que je puisse comprendre de quoi ils parlaient. Sans doute de moi, en vu du regard que me jetait le nouveau venu. Je détourna immédiatement le regard, intimidée. Mais ceci ne l'empêcha point de s'approcher tout près de moi, si près que je sentais son souffle sur mes moustaches. Un frisson me parcouru légèrement, suivit d'un sursaut lorsque sa queue se posa sur mon épaule. Sa voix mielleuse me demanda de lui faire confiance, de ne pas avoir peur. Mais je n'avais pas l'impression de me sentir chez moi. En effet, j'étais dans le Camp du Feu, un autre Clan apparemment.

« Comment t'appelles-tu, ma petite ? son ton n'avait ni augmenté, ni diminué, gardant cette certaine douce, quelque chose en lui me mettait en confiance, voir même à l'aise. »

Que dire ? Je n'avais aucune envie de garder un nom défectueux. Il ne m'allait plus. Pas après avoir tué mon frère, même sans le vouloir. Mais il fallait que je lui réponde. Il fallait que je me creuse les méninges pour lui donner quelque chose rapidement et correctement. Ce garderait peut-être ce nom toute ma vie. Il me vint bien assez rapidement. Celui de mon frère : Petit Ange. Il avait l'air convaincu. Tant mieux. Il m'intima à le suivre dehors une fois qu'il jugea avait pris suffisamment de temps avec moi. Étais-je prête à découvrir de nouvelles têtes ? Avais-je assez confiance en lui pour lui faire parvenir ma peur ? Tout allait se jouer.

Je papillonna des paupières quelques instants pour m'habituer à la luminosité extérieure. En premier lieu, l'émerveillement me surpris. Mais toutes ces têtes avec leurs yeux rivés sur moi me déstabilisaient, laissant place à la timidité qui sommeillait en moi. Je recula, d'un puis de deux pas, trébuchant presque. Avant même que je puisse tomber, le queue du guerrier m'évita la honte. Mais au passage, il m'envoya vers l'avant tandis que je me crispais. Un nœud s'était formé dans mon ventre. Les oreilles rabaissées, les regardant dans tous les sens, je ne savais pas où j'étais.

« Bienvenue chez toi, Petit Ange, miaula le grand mâle. »

Propulsée dans mon « nouveau chez moi », je tentais de garder la tête haute, mais ce fut impossible avant que je familiarise autant avec les environs qu'avec les chats du clan, notamment les chatons. On me confia à une reine et le guerrier vit régulièrement me voir. Je crois que j'étais enfin heureuse et que j'avais oublié mon frère défunt.


Akène de Chêne était un mâle formidable. Comme un père. Était ? Oui, était. Malheureusement, au cours de ma vie, je me suis vu tuer mon propre frère dont j'ai encore de faibles remords et j'ai vu ce matou m'ayant élevé mourir en tombant dans un ravin, près de la montagne céleste. Il ne tenait que d'une griffe et il a eût le temps de me dire quelques mots. À ce moment, je n'avais encore qu'une petite dizaine de lunes. J'étais autonome, certes, mais pas prête à perdre la dernière chose qu'il me restait. Dans ma famille, il ne me restait qu'un vague souvenir de ma mère. Se rappelait-elle de moi ? Aucune idée. Mais Akène de Chêne était mon père et je ne pouvais que le croire. Il était un grand chat à qui j'avais pu faire confiance durant toute mon enfance. Il ne m'a dit que trop tard que j'étais de son sang. À présent, le Clan le sait, il l'a su. Il a cru ma parole car je suis honnête. Peut-être trop honnête parfois, mais je le suis. Durant quelques petites lunes, je me suis renfermée, n'acceptant alors de parler qu'à ce rares chats, de peur de gagner leur amitié de les voir mourir peu après. J'avais l'impression d'être maudite jusqu'au jour où l'on est venu vers moi, où l'on est entré dans ma bulle. Celle-ci a finit par éclatée, par chance. Je me suis ouverte au monde, à la vie. J'ai redécouvert ce qui m'émerveillait lorsque je venais d'arriver dans le Clan. J'ai réappris à vivre, vraiment.